Lincoln

Quelques semaines après un Django Unchained, il est temps de se pencher sur ce Lincoln dont l'intrigue, certes contemporaine et connexe, aborde le problème de l'esclavage sous un angle tout à fait différent...

Résumé : 
Vers la fin de la guerre de Sécession, Abraham Lincoln vient d'être réélu Président des Etats-Unis. Même si sa popularité atteint des sommets, même si les Confédérés sont en déroute, il est préoccupé par le règlement de la guerre civile. Une bonne fois pour toutes, il s'agit de construire une nation, et de la construire en dépassant les particularismes des Etats : une nation où l'esclavage sera enfin banni. Or, son parti ne parle pas d'une seule voix, tandis que les membres les plus bruyants de l'opposition s'insurgent contre l'égalité raciale. Une véritable frénésie s'empare de Washington lorsqu'il prend la décision d'amender la Constitution...
Abraham Lincoln est, paraît-il, le plus populaire des présidents américains. Il faut dire que ses deux mandats (le deuxième étant presque mort-né) correspondent à la résolution d'une crise qui couvait depuis l'indépendance du pays, quatre-vingt dix ans plus tôt. La Confédération prétendait faire une nation à partir d'une somme de particularismes tandis que Lincoln, lui, envisageait un Etat fédéral plus puissant. La Guerre de Sécession, véritable opération de police, résulte donc d'un imbroglio politique plus que d'une opposition idéologique entre esclavagistes et abolitionnistes. Le racisme d'Etat est d'ailleurs, d'une certaine façon, confirmé par les débats enflammés autour du XIIIème amendement. Ce film tourne alors autour des tractations de Lincoln et de ses conseillers, qui cherchent à rassembler assez de voix pour garantir l'adoption de cet amendement capital pour la reconstruction à laquelle le Président songe déjà. Spielberg évoque avec pas mal de conviction une époque trouble où certains cherchent leur voie, en hésitant : doivent-ils obéir à leurs convictions profondes ou bien sacrifier à l'intérêt politique ? Dans les deux camps, des personnages vont vaciller dans un sens ou dans l'autre.

La guerre, qui déchire en arrière-plan le pays, n'est pas laissée de côté mais son traitement montre bien que, déjà, la véritable lutte a lieu ailleurs que sur les champs de bataille. Pour Lincoln, il ne s'agit déjà plus de gagner la guerre - c'est déjà fait depuis le tournant de Gettysburg - mais plutôt de gagner la paix. Nombre de phrases donnant l'impression d'être historiques (le sont-elles ?) et de bons mots (sont-ils bien de lui ?) sont mis dans sa bouche... et à son autorité naturelle s'ajoute une espèce de malice, pour ne pas dire la ruse d'un fin connaisseur du droit de son pays. Car la controverse politique se complique d'une dispute légale : gagner la paix, cela veut dire éliminer l'esclavage et à tout jamais ; or pour le faire, et dans un pays qui ne reconnaît pas encore l'égalité raciale, il faudra trouver bon nombre de compromis.

C'est dans cette dimension que le film prend tout son intérêt : même si la Guerre de Sécession est terminée maintenant depuis cent cinquante ans, on sait à présent qu'elle n'a été qu'une étape vers l'égalité civique. Laquelle égalité - les droits étant conquis, en général, et non accordés - n'étant peut-être pas encore tout à fait réalisée, y compris dans les esprits...

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