Quand je serai petit

J'ai été voir hier le second film de Jean-Paul Rouve, attiré par le parfum de fantastique émanant de sa bande-annonce...
Résumé :
Mathias a la quarantaine, une femme avec laquelle il est heureux, une fille adolescente et un travail lui permettant de bien gagner sa vie. Pourtant, une chose lui manque : son père, mort d'une maladie foudroyante quand il avait une dizaine d'années, si bien qu'il n'a pas pu lui parler une dernière fois en toute connaissance de cause. Un jour, alors que lui et sa femme font une croisière, il croise un enfant dont les traits se mettent aussitôt à l'obséder : il a l'impression de se reconnaître, lui, trente ans plus tôt. Revenu en France, il part à sa recherche et découvre bientôt que la famille de cet enfant partage bien trop de points communs avec celle qu'il a perdue pour qu'il ne croie pas revivre un passé enfui...
L'argument de ce film est on ne peut plus bizarroïde et il est facile, surtout au début, de s'interroger quand aux véritables intentions de Mathias. Le voir grimper à bord du bus scolaire du petit Mathias (l'enfant portant le même prénom, et le même nom de famille que lui) sous une impulsion soudaine a quelque chose d'inquiétant, tout comme l'en voir descendre en partant presque à la poursuite de son "double". Mathias, l'adulte, ne s'y trompe d'ailleurs pas et il protège son obsession par divers mensonges. A sa femme, il parle d'un projet de décoration horticole urbaine à Dunkerque pour expliquer ses nombreux aller-retours dans le Nord où il se met à passer tout son temps libre. A son associé, il "avoue" une liaison. Et devant le principal de l'établissement scolaire du petit Mathias qui s'alarme de le voir grimper dans sa voiture, il appuie avec aplomb le mensonge de l'enfant qui le présente comme... son oncle !

Et pourtant, il s'avère peu à peu que l'obsession de Mathias, l'adulte, recouvre quelque chose de bien moins contraire à la morale que ce que chacun finit par penser de lui tôt ou tard. La solution de l'énigme se dévoile peu à peu, au fil d'une enquête où, exhumant d'une part des souvenirs d'enfance et les reliques venues de son père, mais aussi partant à la découverte de cette seconde famille découverte par hasard à Dunkerque, il finit par vérifier ce qu'il a pressenti dès le départ. Ce n'est pas un hasard si le petit Mathias a tant de points communs avec lui. Parce que son père (joué par un Benoît Poelvoorde éblouissant) est le portrait craché de celui de Mathias, l'adulte, et qu'il partage avec lui les mêmes centres d'intérêt. Parce que la vie que mène le petit Mathias est, mot pour mot (et faute d'orthographe pour faute d'orthographe...) celle qu'il a menée lui : par quelque bizarrerie du destin, Mathias, c'est en fait un personnage à deux têtes, qui revit la même histoire à trente ans d'intervalle...

C'est à ce point que le film, à mon sens, dépasse la frontière du fantastique. En questionnant la flèche du temps, il questionne aussi la nature de la réalité : c'est en réalité un conte où l'adulte, en se réconciliant avec l'enfant qu'il était, parvient à réparer - d'une façon symbolique - le tort qui lui a été fait dans le passé. Soutenu enfin par une très belle photographie, Quand je serai petit m'a laissé une belle impression et, surtout, un arrière-goût d'inquiétante étrangeté...

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