L'Histoire sans Fin

J'avais vu ce film au cinéma lors de sa sortie. J'ai le souvenir qu'au moins deux fois, ensuite, les écoles primaires où j'ai usé mes fonds de culotte nous avaient emmené le voir (en général avant Noël). Puis je l'avais enregistré sur cassette vidéo lors d'un passage à la télévision. Devenu adulte, quand j'ai pu me procurer le DVD, je l'ai fait... Autant dire que c'est un film que je connais par coeur, d'autant plus que j'ai poussé le vice en lisant le livre de Michael Ende à l'âge de onze ans... Tiens ! Faudra que j'en parle à l'occasion (et de mémoire, ça fait deux fois que je me le promets : on verra ça pour cet Eté).

Les amis du Festival SF de Lyon ayant décidé de le programmer lors d'une séance jeune public, je ne pouvais pas manquer, vingt-cinq ans après environ, d'aller revoir ce film. Et d'en tirer quelques réflexions peu philosophiques et plutôt saugrenues...

Résumé :
Bastien n'a pas de chance : à dix ans, il est orphelin de mère, son père est distant, les devoirs surveillés de maths le terrorisent et ses camarades de classe le rackettent quand ils ne lui font pas visiter l'intérieur d'une poubelle... Un jour vient où il se réfugie, pour leur échapper, dans la boutique de monsieur Koreander, un libraire aux allures de vieux sorcier, occupé à lire un livre étrange. Pour Bastien, qui fuit souvent le monde réel dans ses livres, L'Histoire sans Fin apparaît comme un véritable aimant et, un peu incité par monsieur Koreander, il n'est pas long à voler le livre... qu'il s'empresse de lire dans le grenier de son école, en séchant les cours par dessus le marché. Il découvre alors l'histoire captivante de Fantasia, un monde en danger, où le Néant menace d'engloutir toute forme de vie et dont l'Impératrice, elle-même malade, envoie le jeune Atréju à la recherche d'un remède... Au fil des pages, pourtant, il semble que l'intrigue du livre se mette à répondre aux interventions de Bastien : jusqu'à quel point L'Histoire sans Fin contient-elle le secret de son propre destin ?
L'Histoire sans Fin, le film, c'est d'abord un dépaysement, avec un bestiaire et des personnages de fantasy assez crédibles pour émerveiller encore quelques décennies plus tard... La photographie de certains lieux (la Tour d'Ivoire par exemple) dégage une véritable magie, même si la représentation apparaît assez passée, maintenant, faisant un effet de "tableau peint" toujours aussi beau mais un peu défraîchi. C'est un fait que vingt ans avant Le Seigneur des Anneaux, le cinéma pouvait déjà produire de véritables fresques fantastico-médiévales. C'est toujours un vrai bonheur de revoir la face d'étron ahuri de Morla, de voler au-dessus des nuages avec Falkor et de trembler (bon, plus trop maintenant quand même) devant la dentition impressionnante de Gmork. Ne parlons même pas de la musique de début et de fin par Limahl, air so eighties au véritable potentiel de bombe mentale pour hacker de cerveau, que rien qu'en écouter la première mesure vingt ans après suffit à te la remettre dans la tête pendant deux heures (ceci étant un défi à cliquer sur le lien qui précède).

Dans ce film, qui est en fait une adaptation assez fidèle de la première moitié du livre de Michael Ende, le personnage principal est sans conteste Atréju, le jeune héros de la quête pour le salut de Fantasia, dont le charisme éclipse Bastien. Il est vrai que pour le jeune public, il doit être plus tentant de s'identifier au premier qu'au deuxième : au contraire de Bastien, Atréju est courageux, robuste, et il se fait sans cesse des amis. Bastien, lui, passe son temps à s'enfuir, à se planquer, à crier de frayeur ou à envisager de renoncer à la première difficulté. Pourtant, le lecteur du livre de Michael Ende n'est pas sans savoir que le véritable héros de cette histoire est en fait un anti-héros : tout l'enjeu du livre est, pour Bastien, de mettre un peu plus d'Atréju en lui. D'abord en prenant connaissance de son histoire. Puis, dans la deuxième partie du livre, en le rejoignant à Fantasia. Le film n'adaptant que la première partie (la deuxième ayant été adaptée dans un deuxième film plus tardif), il était nécessaire que le personnage de Bastien apparaisse quelque peu en retrait.

Quelques indices, éparpillés tout au long du film, permettent au public attentif de comprendre la réalité du message, et en particulier toutes les scènes se jouant dans les fameux "marécages de la mélancolie", où Artax, le cheval d'Atréju, va être englouti à jamais dans la vase. La même vase où Atréju va se vautrer pas moins de cinq ou six fois de suite sous les éternuements de Morla : les scénaristes ne cherchaient-ils qu'une atténuation par le comique de la tragique scène qui précédait ? Scène qui fait d'ailleurs pleurer Bastien (et, sans nul doute, un nombre incalculable de jeunes spectateurs) ? C'est qu'en réalité, le véritable héros de cette aventure, c'est bel et bien Bastien, et qu'Atréju n'est jamais que son avatar. Bastien qui est, en fin de compte, le seul véritable sauveur de Fantasia. Et qui se paye même le luxe, après avoir appris à conduire ses rêves jusqu'au bout, de venir se venger - avec plus ou moins de gentillesse - de ses anciens tortionnaires : preuve ultime, s'il en fallait une, qu'être humain, ce n'est pas être parfait.

Semble-t-il qu'un remake soit prévu pour 2014. Déjà, j'en peux plus d'attendre...

Commentaires

Thom a dit…
J'en garde un très bon souvenir et je serai pas contre le revoir.

Tu m'as donné envie.
SBM a dit…
"The never ending story,la la la, la la la..." : ça y est, c'est parti pour la journée... Ah, la mort du cheval dans les marécages de la mélancolie, quel traumatisme ! Dans le même créneau, j'ai vu "Labyrinth" avec David Bowie il n'y a pas longtemps.
Anudar a dit…
C'est marrant : une personne croisée au Festival m'en a parlé aussi, de ce film que je n'ai jamais vu. Je vais tâcher de m'en souvenir pour le voir...
Guillaume44 a dit…
Donc cela continue en 2014 ? ;-)
Anudar a dit…
Je pense que ça sera plutôt un remake. La suite a déjà été filmée en 1990. Ils ont même étendu la franchise à un troisième épisode tout à fait déconnecté du livre de Michael Ende (d'ailleurs Atréju n'apparaît pas dedans), que j'avais vu un jour et que j'avais trouvé on ne peut plus mauvais...

Je suis curieux de savoir ce que ça va donner.
Anudar a dit…
Alors je suis content :) !
Endea a dit…
Je l'ai vu il y a tellement longtemps que j'en garde peu de souvenirs, sauf de la scène horrible de la mort d'Artax (oui j'ai pleuré et alors ? xD)
Je suis incapable aussi de me rappeler si j'ai lu le livre ou après mais ton billet me donne envie de relire le livre et de revoir le film ^^
Anudar a dit…
Tu veux parler de cette scène-là ? http://www.youtube.com/watch?v=y688upqmRXo

Bonne relecture et bon re-regardage aussi :) !
A.C. de Haenne a dit…
L'Histoire sans Fin fait partie des rares films que j'ai eu la chance de voir durant mon enfance (je vivais à l'époque dans un désert culturel ahurissant). J'avais 12 ans à sa sortie et je peux vous dire que ce fut pour moi un choc, de ceux qu'on garde en soi comme un trésor. En revanche, tout comme toi je l'ai trouvé en DVD, et je l'ai regardé. Malheureusement. En effet, la magie s'était envollée, et cette nouvelle vision s'est avérée catastrophique. Je trouve qu'il a très mal vieilli. Beaucoup moins bien en tout cas qu'un Legend, par exemple, sorti l'année d'après.

A.C.
Anudar a dit…
Si j'étais méchant je te demanderais si ce n'est pas toi qui a mal vieilli :P ... Pour être plus sérieux, et gentil surtout parce que c'est plutôt le genre de la maison, je reconnais que ce film a vieilli tant du point de vue de l'image que du point de vue du fond. Mais bon ! Cela reste pour moi la source d'excellents souvenirs et j'ai toujours autant de plaisir à le regarder malgré tout : je crois bien que tout le monde connaît mon goût assumé pour les plaisirs régressifs...

Ne connaissant pas "Legend", je ne saurais te dire de quoi il retourne.
A.C. de Haenne a dit…
Hum...

Quoi ? Tu ne connais pas Legend ? Le film de Ridley Scott entièrement tourné en studio est l'un des chefs d'oeuvre de la fantasy de cette époque. A voir, absolument.

A.C.
Anudar a dit…
Ridley Scott ? C'est un gage de qualité. S'agit-il d'un film jeune public ?
Tigger Lilly a dit…
Atreju n'est que le côté courageux de Bastien :p

Quand j'étais gamine, je n'aimais pas ce film. A cause de la scène avec le cheval et parce que la tortue me faisait peur. Oui la tortue parfaitement.

Tu as de la chance de l'avoir vu au cinéma.
Anudar a dit…
Atreju est, tant du point de vue in-Universe que out-Universe, le moyen d'attirer Bastien à Fantasia. C'est Bastien tel qu'il désire l'être : meilleur qu'il ne l'est lui-même, et donc, d'une certaine façon, c'est lui-même qui se sauve à la fin du livre. Le film passe pas mal à côté de cette dimension (parce que l'interaction entre Bastien et Atreju se passe dans la deuxième moitié du livre) et donc, il est bien plus difficile de comprendre la nature de leur relation.

Je ne me souviens plus si la scène avec le cheval m'avait traumatisé, ce qui veut dire qu'elle n'avait pas dû trop m'impressionner... Par contre je sais que Gmork me foutait la trouille. Et j'ai toujours beaucoup aimé la scène où Falkor vient tirer Atreju des marécages...

En tout, je pense pouvoir dire que je l'ai vu quatre fois au cinéma :) . Trois dans les années 1980 et donc une de plus maintenant.