Ce qui est en Haut

Avec ce quatrième tome, la série de space-op' de Moebius et Jodo entre dans sa deuxième moitié.
Résumé :
Sur Aquaend, le Kamar Raïmo et son clan, exilés après le coup d'Etat qui a porté les maganats à la tête de l'Empire, croient leur dernière heure venue avant d'être sauvés par un allié inconnu... et vont de surprise en surprise lorsqu'ils découvrent qu'au fond de l'océan d'Aquaend se dissimule une cité magnifique où s'est réfugié nul autre que l'Imperoratriz ! Tandis que le vaisseau-étoile de l'Incal, piloté par Solune maintenant changé en "losange parlant" (sic) découvre que sa technologie ne permet pas de détruire les oeufs d'ombre qui dévorent les soleils, les Technos cherchent à consolider leur ascendant sur l'Empire alors que dix mille oeufs d'ombres attendent d'être libérés... Le Techno-Centreur, âme damnée de la Ténèbre, et cerveau démoniaque aux commandes de toute les techniques Techno, sait que le véritable Imperoratriz se dissimule quelque part dans l'Empire, et que pour le détruire il faudra bien plus que les ruses simplistes de l'Iman Horlog... Alors que le chaos se répand dans tout l'Empire, John Difool et ses compagnons pourront-ils trouver à temps une arme efficace contre les oeufs d'ombre ?
Après un intermède où le space-op' avait été mis en sourdine dans cette série si fascinante, les auteurs en reviennent à une intrigue bien plus familière aux amateurs de SF. Dans cet univers, la guilde Techno, vendue à une force maléfique ("la Ténèbre"), s'évertue à faire disparaître toute forme de lumière. L'ensemble du conflit qui s'est amorcé dans les albums précédents, y compris ses développements les moins attendus, tourne autour de la trahison techno : l'assaut des Bergs, le combat pour la justice de Raïmo et surtout la quête initiatique de John Difool ne sont que des aspects de la guerre déclarée par l'Incal à la Ténèbre. Cette guerre se dessine à présent un peu mieux, avec les fameux oeufs d'ombre, déjà connus depuis le deuxième album de la série, et dont la nature véritable est enfin dévoilée. Quant au Techno-Centreur, dont le psycho-abdomen enflé jusqu'à l'obscène et la mine sinistre évoquent bien le méchant pas de carnaval, il n'apparaît que dans un nombre réduit de cases et pourtant, on le perçoit soudain comme l'antagoniste principal avant que ne se révèle son "big boss", à savoir la Ténèbre en personne, entrevue au terme de l'album, dans une image dantesque annonçant bel et bien les derniers volets de la série.

Avec la révélation du nom du véritable ennemi, on entre dans le deuxième cycle, et l'on observe un retour au premier plan du personnage de John Difool que le périple dans le Centre-Terre avait un peu trop mis de côté à mon goût. D'une façon assez paradoxale, sa transfiguration en "père du messie", presque perdu en plein au milieu d'une mer de symbole, ne me convainquait pas du tout et je suis très satisfait de le retrouver, ici, râleur et stupide comme avant. Comme souvent lorsqu'il se trouve au premier plan de l'histoire, on le trouve sur le point de se faire déconstruire par une entité pour le moins surprenante... Le héros démontable est donc bel et bien de retour, cette fois-ci consumé d'un amour lubrique pour la belle Animah. Le caractère superficiel du personnage, qui obéit bon gré mal gré aux désidératas de l'Incal, donne une touche de fantaisie à ce groupe de personnages capitaux qui font l'histoire de la série, et qui sans lui ne seraient plus qu'une bande de sombres allumés... En guise de héros minable et même de prophète stupide, on n'aurait pu rêver meilleur personnage que John Difool. C'est sur lui que repose, en fait, presque toute la crédibilité de la série... et surtout pas sur ses six compagnons de rencontre qui se prennent soudain bien trop au sérieux.

C'est sur un twist final que l'on referme cet album : avec l'élimination des technos et de leurs néfastes oeufs d'ombre, c'est tout le plan premier de la Ténèbre qui est mis en échec. La suite s'annonce épique...

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